MÉMOIRE DE L’ASSOCIATION
DES PROFESSIONNELS EN PHILANTHROPIE
Contexte et résumé
L’Association des professionnels en philanthropie
(AFP) est un regroupement professionnel qui représente les gens qui collectent
des fonds à des fins philanthropiques pour les organismes de bienfaisance et
les services publics. Il s’agit du plus important regroupement de collecteurs
de fonds du monde, réunissant plus de 30 000 praticiens partout sur la
planète, dont 3 400 membres répartis dans 16 sections au Canada.
L’AFP établit les normes de conduite les plus
rigoureuses s’appliquant à cette profession. Ses membres doivent signer chaque
année son Code de déontologie et normes de méthodes professionnelles,
adopté en 1964, qui reste l’un des rares codes de déontologie en vigueur. Le
code de l’AFP a servi de base aux codes de conduite régissant les levées de
fonds dans différents pays, y compris le Canada. L’AFP a aussi mis en place un
processus d’accréditation en 1981, qui vise à indiquer aux citoyens les
collecteurs de fonds qui possèdent les connaissances et les compétences
nécessaires pour exercer leurs fonctions de façon efficace, consciencieuse,
éthique et professionnelle. Plus de 4 000 collecteurs de fonds dans le
monde ont obtenu l’accréditation de collecteur de fonds agréé ou de collecteur
de fonds agréé de niveau avancé.
L’AFP collabore avec les communautés des levées de
fonds, les organismes gouvernementaux et les partenaires internationaux pour
promouvoir les levées de fonds et la philanthropie. L’AFP a réuni plus de 30 associations
nationales de collecte de fonds du monde entier afin de rédiger l’Énoncé international des principes
éthiques en levée de fonds, une série de valeurs et de nomes pour
la communauté mondiale des levées de fonds.
Recommandations
L’AFP apprécie de pouvoir une fois de plus
présenter ses recommandations au Comité permanent des finances. Nous sommes
également reconnaissants de l’intérêt que porte le comité aux levées de fonds à
des fins philanthropiques au Canada et au secteur bénévole, comme en témoigne
l’appui que le comité a donné il y a quelques années à l’élimination de la taxe
sur les gains en capital applicable aux dons de valeurs mobilières cotées en
bourse. Cette année, l’AFP fait les recommandations suivantes :
1. Stimuler les dons de bienfaisance à la suite de
la récession et encourager les Canadiens à accroître leurs dons en établissant
un crédit d’impôt extensible pour les dons versés aux œuvres de bienfaisance.
2. Éliminer l’impôt sur les gains en capital qui
s’applique aux biens fonciers et immobiliers donnés à des œuvres de
bienfaisance.
3. Instaurer la Journée nationale de la
philanthropie, le 15 novembre, pour souligner clairement l’importance du
secteur bénévole et sensibiliser la population aux dons de bienfaisance.
Les incitatifs nécessaires dans le domaine caritatif pour alléger le fardeau fiscal et favoriser la reprise économique et des emplois durables
Le secteur caritatif constitue une importante
source d’emplois et de stimulation économique. Le secteur caritatif du Canada
englobe plus de 161 000 organismes pour lesquels travaillent plus de
1,2 million d’employés rémunérés et 6,5 millions de bénévoles (selon
les données du Voluntary Sector Awareness Project).
Le secteur représente des revenus annuels de plus
de 100 milliards de dollars et son actif net dépasse ce montant. Le
secteur caritatif correspond à peu près à la taille de l’économie de la
Colombie-Britannique. En réalité, le secteur est une entreprise en soi, dont
les organisations sont essentiellement équivalentes à toute une province, qui
se consacre exclusivement au renforcement des facteurs (main-d’œuvre,
infrastructure, initiatives culturelles, etc.) sur lesquels repose l’avenir de
notre pays.
C’est lorsque l’économie stagne que les organismes
de bienfaisance et leurs services sont les plus nécessaires. Les organismes de
bienfaisance et philanthropiques fournissent des emplois et comblent le vide en
servant ceux qui sont dans le besoin et nos collectivités lorsque des
compressions budgétaires empêchent les gouvernements fédéral et provinciaux
d’offrir des services semblables.
Hélas, l’économie a ébranlé ce secteur crucial.
Selon Statistique Canada, les Canadiens ont donné 7,8 milliards de dollars
à des œuvres de bienfaisance en 2009, comparativement à 8,19 milliards de
dollars en 2008. Les montants de 2009 représentent une baisse des dons de
bienfaisance de 700 millions de dollars par rapport à 2006, qui avait
marqué un record absolu des dons canadiens.
Il ne fait aucun doute que de nouveaux incitatifs
sont nécessaires pour stimuler les dons aux organismes de bienfaisance, en
particulier dans la conjoncture tumultueuse actuelle. L’État et l’économie du
pays en profitent tous les deux lorsque le secteur caritatif reçoit les
ressources dont il a besoin. Les dons privés peuvent accentuer les
répercussions positives des investissements gouvernementaux. Ils permettent aux
organismes de bienfaisance d’offrir des programmes et des services qui
soutiennent les efforts du gouvernement.
Par conséquent, l’AFP incite le comité à examiner
et à adopter les recommandations suivantes, qui stimuleront les dons privés et
le soutien offert au secteur caritatif.
Recommandation 1 :
Stimuler les dons de bienfaisance à la suite de la récession et encourager les
Canadiens à accroître leurs dons en établissant un crédit d’impôt extensible
pour les dons versés aux œuvres de bienfaisance.
Afin d’accroître immédiatement les dons de
bienfaisance et de créer une culture nationale des dons à long terme, l’AFP
appuie la recommandation d’Imagine Canada concernant l’établissement d’un
crédit d’impôt extensible qui s’appliquerait aux dons de plus de 200 $
dépassant le plus haut niveau de don effectué antérieurement par le donateur.
Cette nouvelle mesure reposerait sur l’année au cours de laquelle les dons d’un
particulier ont été les plus élevés, l’année de référence étant 2008. Elle
offrirait un crédit d’impôt extensible de 39 % sur les nouveaux dons
effectués, soit 10 points de pourcentage de plus que le crédit d’impôt
actuel sur les dons de plus de 200 $.
Pour continuer à bénéficier du crédit d’impôt
extensible au cours des années subséquentes, les contribuables devraient
augmenter leurs dons au-delà du niveau de 2008 et des années précédentes. Cette
mesure vise à inciter les Canadiens, particulièrement ceux de la classe
moyenne, à faire un premier don ou à donner davantage, jusqu’à un plafond de
10 000 $, pour répondre aux besoins actuels.
Cette disposition aurait l’avantage d’alléger le
fardeau fiscal des Canadiens tout en stimulant directement les dons de
bienfaisance, ce qui, à son tour, créerait des retombées économiques dans
l’ensemble du secteur. Cet encouragement aux dons allégerait tout
particulièrement le fardeau fiscal des familles de travailleurs et des Canadiens
à revenu moyen. Un plafond d’admissibilité au crédit de 10 000 $
ciblerait le crédit vers les familles à revenu moyen qui font des dons en
espèces et qui n’ont pas profité des mesures fiscales précédentes favorisant
des dons de plus grande envergure. Parce qu’il n’y a pas de plancher au crédit
d’impôt extensible, même ceux qui ne peuvent faire que de petits dons en
profiteraient.
Le crédit d’impôt maximal serait de 980 $
s’il était utilisé au cours d’une année (dans le cas d’une augmentation de
200 $ à 10 000 $ des dons au cours de cette année). Toutefois,
dans la plupart des cas, l’augmentation du crédit d’impôt s’échelonnerait sur
plusieurs années. Le crédit d’impôt extensible profiterait aux organismes de
bienfaisance de toutes les tailles et de toutes les régions. À la longue, il
ferait augmenter le nombre de donateurs et le montant des dons des Canadiens
d’un bout à l’autre du pays. De plus, il servirait de complément aux récents
incitatifs favorisant le don de biens, incitatifs qui s’adressent principalement
aux Canadiens dont le revenu est élevé. Le crédit d’impôt pour les dons de
bienfaisance est une initiative moins exclusive qui tient compte du fait que la
plupart des Canadiens donnent de l’argent, et non des biens.
Le Bureau parlementaire du budget (BPO) a effectué
récemment une analyse fondée sur la mise en œuvre du crédit d’impôt extensible
sur les dons de plus de 200 $. Le BPO a évalué qu’après trois ans, le manque à
gagner supplémentaire pour le Trésor public se situerait entre 10 et 40 millions
de dollars par année. Le BPO évalue aussi qu’en trois ans, il pourrait y avoir
jusqu’à 600 000 nouveaux donateurs et que les dons médians
augmenteraient de 26 %. Le crédit d’impôt extensible serait un moyen
extrêmement efficace d’optimiser l’investissement fédéral dans les services
communautaires vitaux.
Des études ont démontré que plus de la moitié des
donateurs du Canada accroîtraient leurs dons s’il y avait de meilleurs
incitatifs fiscaux. En encourageant un plus grand nombre de Canadiens à devenir
donateurs, le crédit d’impôt extensible renforcerait aussi les collectivités.
Nous savons également que les donateurs sont plus enclins à s’investir
autrement dans les organismes de bienfaisance, y compris en faisant du
bénévolat. Accroître le nombre de donateurs pourrait donc accroître également
le bénévolat communautaire.
Recommandation 2 :
Éliminer l’impôt sur les gains en capital qui s’applique aux biens fonciers et
immobiliers donnés à des œuvres de bienfaisance.
En plus du crédit d’impôt extensible, le
gouvernement du Canada peut alléger davantage le fardeau fiscal des Canadiens
tout en stimulant les dons de bienfaisance et la croissance économique connexe
du secteur en éliminant l’impôt sur les gains en capital qui s’applique aux
biens fonciers et immobiliers donnés à des œuvres de bienfaisance.
Les donateurs veulent pouvoir donner des biens de
tous les genres. Les titres et les biens immobiliers sont les deux façons les
plus courantes d’accumuler des richesses.
Le gouvernement fédéral a éliminé en 2006 l’impôt
sur les gains en capital s’appliquant aux titres donnés à la plupart des
organismes de bienfaisance. Ce faisant, il est devenu plus intéressant pour les
donateurs potentiels de faire ce type de don. Nous invitons le gouvernement
fédéral à considérer maintenant les biens fonciers et immobiliers.
L’élimination de l’impôt sur les gains en capital
supprimerait un énorme obstacle aux dons de ce type. Les donateurs seraient
alors beaucoup plus enclins à donner des biens fonciers et immobiliers aux
organismes de bienfaisance. En fait, l’intérêt des donateurs canadiens pour les
dons de ce type est élevé et le potentiel est grand. Ce ne sont pas uniquement
les nantis qui possèdent des biens fonciers et immobiliers. Selon l’Enquête sur
la sécurité financière, effectuée en 2005, le plus important bien des Canadiens
est leur résidence principale, qui représente le tiers des avoirs sur lesquels
a porté l’enquête, d’une valeur totale de 5,6 billions de dollars. De
plus, la croissance des investissements dans les biens immobiliers, notamment
les résidences secondaires, les logements en multipropriété, les logements
locatifs et d’autres propriétés commerciales, a constitué un changement
important dans la composition des avoirs de 1999 à 2005. Les investissements
dans ce type de biens immobiliers s’élevaient à 481 milliards de dollars
en 2005, soit environ 1,8 fois ce qu’ils étaient en 1999. Cette catégorie
d’avoirs a connu de loin le plus haut taux de croissance.
Comme c’était le cas des dons de titres, les dons
de biens fonciers et immobiliers sont bloqués par un régime fiscal qui
complique les dons de ce genre et les rend inintéressants pour la plupart des
donateurs. Par conséquent, l’examen des effets de l’élimination de l’impôt sur
les gains en capital pour les dons de titres nous en apprend beaucoup sur les
effets positifs potentiels de l’élimination de l’impôt sur les dons de biens
fonciers et immobiliers.
Les premières données sont assez éloquentes.
L’enquête menée par Imagine Canada, et appuyée par l’AFP, a révélé que le
nombre de dons d’actions a doublé de 2005 à 2006. De plus, la valeur de ces
dons a plus que doublé. La valeur moyenne des dons de titres, exprimés en
pourcentage du revenu des organisations, a aussi presque doublé. Ces données
révèlent l’importance croissante de ces dons pour bon nombre d’organismes. En
outre, elles montrent que la disposition législative fonctionne comme prévu. Il
faut également noter que seulement 50 % des organisations visées par
l’enquête ont fait la promotion du nouvel incitatif ou ont informé les
donateurs de l’élimination de l’impôt sur les gains en capital s’appliquant aux
dons de titres à valeur accrue. Par conséquent, il reste encore beaucoup de
travail d’information à faire auprès des donateurs en ce qui concerne cette
mesure, ce qui en retour augmentera les dons de ce type.
Le Comité des finances et le Comité sénatorial
permanent des banques et du commerce ont déjà recommandé que l’impôt sur les
gains en capital s’appliquant aux biens fonciers et immobiliers donnés aux
œuvres de bienfaisance soit éliminé.
Recommandation 3 : Instaurer la Journée
nationale de la philanthropie, le 15 novembre, pour souligner l’importance
du secteur bénévole et sensibiliser la population aux dons de bienfaisance.
En 2009, le ministre du Patrimoine canadien a fait
officiellement du 15 novembre 2009 la Journée nationale de la
philanthropie. Le Canada est le premier pays à avoir officiellement reconnu
cette journée depuis sa création en 1986.
Pour rendre permanent l’objet de la déclaration du
ministre, le sénateur libéral Terry M. Mercer (Secteur Nord, Halifax,
Nouvelle-Écosse), collecteur de fonds agréé, a présenté le 4 mars 2010 le
projet de loi S-203, qui propose de faire du 15 novembre de chaque année,
de façon permanente, la Journée nationale de la philanthropie. Ce projet de loi
a été adopté au Sénat à l’étape de la troisième lecture le 10 juin 2010 et
renvoyé à la Chambre des communes, où il sera examiné. Nous espérons que la
Chambre adoptera également ce projet de loi.
La Journée nationale de la philanthropie a été
créée pour sensibiliser la population aux dons en général. De nombreux
organismes, comme l’AFP, ont organisé des activités visant à stimuler les dons,
à sensibiliser la population et à saluer les donateurs ainsi que les bénévoles.
D’un bout à l’autre du Canada, bon nombre d’organismes du secteur caritatif
soulignent déjà la Journée nationale de la philanthropie le 15 novembre de
chaque année. La participation du gouvernement contribuerait à créer des
partenariats avec des médias et d’autres organismes afin de sensibiliser
davantage la population à la philanthropie et d’inciter les Canadiens à
investir dans le secteur bénévole.
Vous vous souviendrez peut-être que la mesure
législative sur la Journée nationale de la philanthropie a failli être adoptée
à quelques reprises au cours des dernières années, mais elle est morte au
Feuilleton tout juste avant son adoption en raison de l’ajournement des travaux
ou de la prorogation du Parlement. Comme ce projet de loi frôle l’adoption
depuis tant d’années, il est temps de l’adopter enfin et de rendre
officiellement hommage aux donateurs, aux bénévoles et aux organismes de
bienfaisance du Canada.
Nous invitons le Comité des finances à appuyer
cette recommandation.
Conclusion
Les organismes de bienfaisance ont besoin de
l’appui du gouvernement pour offrir de meilleurs services aux Canadiens. Mais
surtout, un secteur caritatif en santé peut être un moteur de l’économie
canadienne. Les trois changements proposés allégeront grandement le fardeau
fiscal des Canadiens tout en renforçant considérablement la capacité du secteur
caritatif d’offrir des programmes et des services cruciaux.